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Le biais d’engagement : Et si tu continuais... juste parce que tu as déjà commencé ?

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    mrousselpsy
  • il y a 24 heures
  • 6 min de lecture
image illustrant Le biais d’engagement

Comprendre le biais d'engagement dans le business


Tu t’es lancé.e dans un projet, tu y as mis ton énergie, du temps, parfois toutes tes économies. Mais voilà que le doute s’installe. Tu n’as plus l’élan, tu sens que ça ne te correspond plus vraiment. Et pourtant, tu continues. Pas parce que ça te nourrit encore. Mais parce que tu ne peux pas ne pas continuer. Parce que tu y as déjà trop investi.


Bienvenue dans le biais d’engagement, un mécanisme psychologique aussi courant que coûteux, et puissamment ancré dans notre fonctionnement mental. Y compris (et surtout) chez les entrepreneur.es.

 

Qu’est-ce que le biais d’engagement ?


Également appelé biais des coûts irrécupérables (sunk cost fallacy), ce biais décrit notre tendance à continuer un projet uniquement parce qu’on y a déjà investi quelque chose : du temps, de l’argent, du statut, des efforts, des espoirs.


Mais en réalité, ces investissements passés sont irrécupérables, et ne devraient pas influencer nos décisions futures. Ce qui devrait compter, c’est : « Est-ce encore pertinent pour moi, maintenant ? »

 

Le cerveau en mode répétition : dopamine, cohérence, déni


Quand tu investis du temps ou de l’énergie dans un projet, ton cerveau libère de la dopamine à chaque petite avancée.


C’est le mécanisme classique du renforcement comportemental :


j’investis → je progresse → je ressens une satisfaction → je poursuis.


Mais dès que le projet perd en cohérence, le cerveau fait un pari inconscient : « J’ai mis trop d’énergie, je dois aller jusqu’au bout ». Et on s’acharne... pour retrouver la même récompense.


Ce processus est amplifié par :


  • notre besoin de cohérence interne (et oui on déteste se contredire) : ce besoin désigne notre tendance à vouloir rester fidèle à nos idées et actions passées, même lorsqu’elles ne sont plus adaptées. Changer d’avis ou renoncer active un inconfort cognitif, la fameuse dissonance cognitive, que le cerveau cherche à éviter à tout prix. Et pour résoudre ce conflit, on préfère souvent changer notre perception plutôt que nos actes. On s’auto-justifie, on rationalise, on se convainc. Et on continue, même si on sait que ce n’est plus le bon chemin.


  • la pression sociale : plus une décision a été exprimée publiquement (sur les réseaux, devant ses clients, sa communauté, sa famille), plus elle devient difficile à remettre en question. Nous avons tendance à maintenir le cap pour paraître cohérent.e, fiable ou "sûr.e de soi".


  • une fatigue mentale croissante : plus on accumule de stress, d'ambiguïtés ou de micro-décisions, plus notre cortex préfrontal (régulateur de nos fonctions exécutives) s’épuise. Cela diminue notre flexibilité mentale, notre capacité à réévaluer objectivement une situation ou à changer de direction.

 

Pourquoi ce biais est-il si présent chez les entrepreneur.es ?


Parce que l’entrepreneuriat, c’est bien souvent :


  • prendre des décisions en solo, sans tiers pour aider à questionner ou recadrer les choix

  • s’identifier fortement à son projet, jusqu’à en faire une extension de soi

  • être valorisé.e pour sa persévérance, ce qui alimente l’idée qu’abandonner, c’est échouer,

  • chercher à maintenir une image cohérente, forte, stable, celle de l’entrepreneur.e déterminé.e qui « ira jusqu’au bout ».


Ce biais est d’autant plus piégeant qu’il se déguise en vertu. On le confond facilement avec la résilience, le courage, la fidélité à sa vision. On en fait un emblème de force mentale, alors qu’il peut masquer un renoncement à sa lucidité.


À force de glorifier l’endurance, on confond deux choses :

  • la persévérance constructive, qui repose sur des ajustements conscients,

  • et l’acharnement cognitif, dicté par la peur de perdre ce qu’on a déjà investis.


C’est un phénomène qu’on retrouve également dans la hustle culture, où la productivité devient une fin en soi, au détriment du sens et de l’alignement.

 

 Ce que ce biais nous coûte, concrètement


  • Du temps qu’on pourrait consacrer à autre chose. Chaque jour passé à insister sur une voie sans issue est un jour qu’on n’a pas utilisé à explorer d’autres options plus alignées ou plus porteuses.


  • De l’énergie mentale, mobilisée à tenter de maintenir à flot un projet qui s’essouffle. Ce maintien constant mobilise une charge cognitive importante, et finit par détourner les ressources attentionnelles des tâches vraiment stratégiques.


  • De la clarté : on entre dans une boucle où les repères se brouillent. On ne sait plus si l’on agit par conviction ou par peur, et les décisions deviennent de plus en plus confuses.


  • De l’estime de soi : à force de sentir qu’on agit en décalage avec ses besoins ou ses valeurs actuelles, on peut commencer à douter de soi, à se sentir enfermé.e dans un schéma qu’on ne maîtrise plus.


  • De la procrastination : à force de ne plus savoir dans quelle direction aller, on reporte les décisions, on évite l’action, on s’épuise dans des micro-tâches sans impact. L’indécision devient un refuge mental temporaire… mais elle entretient la paralysie.


Et le pire ? On pense souvent que ce malaise se réglera par... plus d’efforts. On redouble d’investissement pour ne pas « gâcher », alors que c’est justement cette logique qui nous éloigne de ce qui compte vraiment.

 

Comment le biais d’engagement s’infiltre dans nos pensées

 

Pensées internes récurrentes

  • « Je ne peux pas tout arrêter maintenant, j’ai déjà trop mis dedans. »

  • « Ce serait du gâchis de tout laisser tomber à ce stade. »

  • « J’ai trop avancé pour faire marche arrière. »


Pression sociale ou identitaire

  • « J’ai dit que j’irais jusqu’au bout, je dois assumer. »

  • « Les gens vont penser que j’ai échoué. »

  • « Je n’ai pas envie de recommencer à zéro. »


Pseudo-logique

  • « Il ne manque peut-être qu’un petit effort pour que ça marche. »

  • « Encore un investissement et ça va rentabiliser tout le reste. »

  • « J’ai dépensé trop pour que ça ne serve à rien. »


Culpabilité et peur de l’échec

  • « J’ai trop sacrifié pour abandonner maintenant. »

  • « Je me sentirais trop coupable si je lâchais tout. »

  • « Je ne peux pas me permettre d’échouer maintenant. »

 

En sortir sans tout plaquer : des pistes concrètes

 

Avant toute chose, rappelons une chose essentielle : douter est normal. Aucun parcours n’est parfaitement linéaire, surtout pas dans l’entrepreneuriat. Avoir des passages à vide, remettre certaines choses en question, ou traverser des périodes de désalignement ne signifie pas que tout est à jeter. Ce n’est pas parce qu’un projet traverse une zone de turbulence qu’il faut tout plaquer. L’objectif ici n’est pas de tout déconstruire au moindre obstacle, mais de distinguer un inconfort temporaire d’un vrai signal d’alerte. Et surtout, de se redonner le droit de choisir, en conscience.


Voici quelques pistes pour sortir du biais d'engagement sans basculer dans la panique ou la rupture impulsive :

 

1. Faire un arrêt sur image

Est-ce que je continue parce que c’est encore aligné ? Ou parce que j’ai peur de perdre ce que j’ai mis ?


2. Nommer ce qui est irrécupérable

Le temps, l’argent, l’effort dépensé : c’est déjà passé. Ce n’est plus un argument valable.


3. Revenir à tes valeurs actuelles

Est-ce que ce projet est encore aligné avec qui tu es aujourd’hui ?


4. Redéfinir la réussite

Arrêter peut être une stratégie. Ce n’est ni un échec, ni une fuite.


5. Parler de ton ambivalence

Avec un.e professionnel.le ou une personne de confiance. Mettre des mots éclaire les choix.


6. Tester sans tout transformer

Crée une zone d’expérimentation à petite échelle : un test, un ajustement, une pause partielle. Cela permet d’évaluer ton ressenti sans engager un changement radical immédiat.


7. Identifier tes non-négociables

Reviens à tes fondamentaux : ce que tu ne veux plus, ce que tu refuses désormais de sacrifier (santé, temps, valeurs, relations, etc.).


8. Observer ton discours intérieur

Note les phrases qui reviennent en boucle. Te nourrissent-elles ou t’enferment-elles ? Ce sont souvent elles qui entretiennent le biais.


9. Créer un espace mental sans stratégie

Autorise-toi un moment de recul sans penser efficacité, rentabilité ou décision. Parfois, c’est dans le silence que les réponses émergent.

 

En conclusion : faire de la place à ce qui compte, vraiment


Reconnaître qu’on s’est peut-être égaré.e est inconfortable. Mais s’entêter dans une direction non alignée l’est encore plus.


Le biais d’engagement nous pousse à rester là où l’on ne veut plus être. En prendre conscience, c’est reprendre le pouvoir. Faire des choix, non pas pour sauver le passé, mais pour construire un présent qui a du sens.


Ce que tu as investi hier ne t’oblige pas à rester là où tu es aujourd’hui.


📌 En bref :


  • Le biais d’engagement est un mécanisme cognitif normal, mais insidieux.

  • Il se renforce avec le temps, les efforts investis, le regard des autres et notre besoin de cohérence.

  • Il nous pousse à rester dans des projets qui ne nous correspondent plus, sous couvert de logique ou de fidélité.

  • Ce biais peut coûter cher : clarté, énergie, temps, estime de soi.

  • Sortir du piège ne signifie pas abandonner : c’est un acte de lucidité, de stratégie, et de respect envers soi-même.



Une note importante


Cet article propose un point de vue, avec l’intention d’ouvrir une réflexion plus nuancée sur nos manières de prendre des décisions, en particulier dans des contextes de doute ou de changement.


Me contacter


Je suis psychologue & neuropsychologue. J’accompagne les entrepreneurs et les professionnels en quête de clarté, d’alignement et de mieux-être psychologique. Mon approche ouvre des espaces où les parcours peuvent être interrogés, légitimés et vécus sans injonction ni culpabilisation.




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