Réussir sans tout quitter : la tendance des Corporate Girlies & Guys
- mrousselpsy
- 5 juil.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 juil.
Un contre-récit face aux injonctions entrepreneuriales

Introduction
Ces dernières années, les réseaux sociaux ont largement véhiculé des messages valorisant l’entrepreneuriat, la liberté financière et le mode de vie nomade. On y retrouve souvent des injonctions à quitter son emploi salarié pour "vivre enfin sa vie", se "libérer de la matrice" et "s’affranchir du 9 à 5".
L’entrepreneuriat est fréquemment érigé en trajectoire d’exception, valorisée comme un symbole de liberté et d’audace. Une voie élue, réservée à celles et ceux qui « osent ». Cocher la case "entrepreneur" peut devenir, pour certains, une manière d’obtenir une reconnaissance sociale ou de valider un certain statut.
Tous ces discours ont progressivement façonné une représentation où le salariat est parfois perçu comme un manque d’ambition ou une absence d’audace.
Mais un contre-mouvement émerge : celui des corporate girlies et des corporate guys, qui assument et revendiquent le travail de bureau. Ils ne cherchent pas à fuir la routine. Ils choisissent de la valoriser. Ils promeuvent l’idée de « normaliser la norme ».
1. Qu’est-ce que le mouvement corporate girlies / corporate guys ?
Sur les réseaux sociaux, des créateurs et créatrices revendiquent ouvertement le choix du salariat :
Ils célèbrent la routine et la stabilité comme des piliers du bien-être.
Ils partagent leur quotidien au bureau.
Ils réhabilitent les rythmes professionnels traditionnels, trop souvent associés à la monotonie : se lever tôt, prendre un café sur le chemin du travail, participer à des réunions, profiter des afterworks.
Cette tendance reflète un besoin actuel de réinterroger la place du travail dans nos vies et les modèles que nous suivons.
2. Ce que cette tendance met en lumière
Une saturation face aux injonctions de performance
Ce mouvement des corporate girlies et des corporate guys exprime un besoin de réhabiliter des choix professionnels stables et déculpabilisés. Il s’oppose aux récits performatifs de la hustle culture, qui sacralisent la productivité constante comme seul horizon de réussite.
Un besoin de cadre et de prévisibilité
En effet, le salariat peut, parfois, répondre à certains besoins cognitifs et émotionnels :
Des repères temporels stables.
Une organisation encadrée.
Une charge mentale plus délimitée.
Ce cadre structuré peut soutenir la régulation émotionnelle et limiter l’épuisement cognitif lié à l’incertitude permanente. Revenir à des rythmes prévisibles et à des journées cadrées devient, pour certains, plus confortable.
Une recherche d’appartenance
Le cadre salarié offre souvent des rituels sociaux et un sentiment d’appartenance : Pauses café, équipes de travail, interactions quotidiennes. Des éléments parfois absents de certains parcours entrepreneuriaux, notamment en situation de travail isolé.
Cette tendance nous pousse à élargir notre définition de la réussite au-delà des récits dominants.
3. Ce que ce mouvement nous invite à questionner
L’ambition n’a pas une seule forme. Créer son entreprise peut être une aventure incroyable, mais ce n’est pas la seule voie vers l’épanouissement professionnel.
Choisir le salariat n’est pas un manque d'ambition : c’est parfois une décision pleinement consciente, ancrée dans ses valeurs, son rythme de vie et ses besoins du moment.
La liberté ne réside pas exclusivement dans la rupture avec le cadre : pour certains, elle naît justement de cette stabilité qui permet de se consacrer à l’essentiel. Pour d’autres elle réside dans l’autonomie ou la création.
La réussite professionnelle n’a pas de définition universelle. Elle ne se mesure ni à un statut, ni à une case, ni à une tendance.
Chaque voie professionnelle comporte des avantages et des limites. Il n’y a pas de modèle parfait.
Ce qui compte, c’est de pouvoir choisir librement.
4. Mon point de vue
Le rôle de cet article n’est pas de valider ou de rejeter une tendance. Il est de créer un espace de réflexion, où chaque trajectoire professionnelle peut être interrogée, choisie, ajustée, sans pression sociale, ni culpabilisation.
Dans cet espace, il peut être utile de faire le point sur :
Nos besoins réels, ici et maintenant
Nos ressources personnelles, relationnelles ou financières
Nos aspirations profondes
Le sens que nous voulons donner au travail dans notre vie
Entrepreneuriat, salariat, stabilité, flexibilité, transition, exploration… Ces modèles ne sont pas à opposer mais à envisager comme des formes multiples d’accomplissement.
Aucun statut ne garantit, à lui seul, l’épanouissement. Certaines personnes trouvent leur équilibre dans l'indépendance et la création, d'autres dans la structure et la sécurité. Parfois, ce sont les allers-retours entre ces univers qui nourrissent un parcours aligné.
Le contenu entrepreneurial sur les réseaux sociaux, avec son esthétique forte et ses codes valorisants, est puissamment identitaire. Il peut rendre très difficile l’idée de renoncer à un projet entrepreneurial, même lorsqu’il ne fonctionne pas ou n’est plus aligné. Revenir vers le salariat peut alors être perçu, à tort, comme un échec ou un retour en arrière.
Ce nouveau prisme social participe à une hiérarchisation implicite des statuts professionnels, qu’il est urgent de questionner.
Ce qui mérite d’être interrogé, ce n’est pas le choix en lui-même, mais la hiérarchie implicite qui classe certains parcours comme « plus ambitieux », « plus courageux » ou « plus libres ». Or, la véritable liberté réside peut-être dans le fait de pouvoir choisir, déchoisir, réajuster, en fonction de soi, et non des injonctions.
Car au fond, ce qui compte, ce n’est pas l’étiquette qu’on affiche, mais la cohérence qu’on incarne.
Conclusion
La tendance corporate girlies / corporate guys propose une réaffirmation essentielle : celle de pouvoir choisir son mode de vie professionnel sans culpabiliser. Une alternative aux discours omniprésents : « quitte ton job sinon tu rates ta vie ».
L’entrepreneuriat peut être une aventure extraordinaire. Mais ce n’est pas une obligation.
La véritable question est : mon choix professionnel est-il aligné avec mes besoins, mes valeurs et mes aspirations actuelles ?
Réhabiliter le salariat comme une option valable et épanouissante, c’est aussi réhabiliter la diversité des trajectoires et des ambitions. Ce qui fait sens, ce n’est pas l’étiquette que l’on porte, mais la résonance entre nos choix professionnels et notre identité profonde.
Et si la vraie réussite, c’était d’oser se demander :
Où est-ce que moi, je me sens à ma place, aujourd’hui ?
Il n’existe pas de modèle parfait. Le seul modèle valable, c’est celui qui te correspond, aujourd’hui : celui qui t’aligne, te nourrit, et te respecte.
Déculpabiliser. Nuancer. Choisir en conscience.
Une note importante : Ce post partage un point de vue, pas une vérité absolue. Il simplifie, par nécessité, un sujet complexe. Son objectif est d’ouvrir une réflexion nuancée sur les discours entourant la réussite, et de mieux comprendre ce qu’ils activent en nous. Ce contenu s’inscrit dans une démarche d’éducation psychologique, qui ne remplace en aucun cas un accompagnement thérapeutique personnalisé.
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Je suis psychologue & neuropsychologue. J’accompagne les entrepreneurs et les professionnels en quête de clarté, d’alignement et de mieux-être psychologique. J’essaie d’ouvrir des espaces où les parcours peuvent être interrogés, légitimés et vécus sans injonction ni culpabilisation.
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FAQ :
Est-ce que le salariat est compatible avec l’ambition ?
Pourquoi la hustle culture peut-elle être toxique ?
Comment savoir si je suis aligné·e avec mon choix professionnel ?
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